chap0.pngFanyarë avançait d'un pas tranquille, ses sabots s'enfonçant dans une neige peu profonde. Elle évitait naturellement toutes les irrégularités du chemin qu'elle connaissait par cœur, car nous l'avions parcouru à de nombreuses reprises autrefois, alors que nous étions trois. Qu'elle connaisse à ce point la route à suivre m'arrangeait bien, car j'étais trop occupée à retenir les larmes que m'évoquait chaque arbre derrière lequel se cachaient des souvenirs à présent douloureux. Il y a longtemps, alors que l'hiver n'étreignait pas le paysage, j'avais vécu de longs jours heureux et insouciants dans cette même région et il me semblait que le voile blanc et la désolation du paysage ne faisait que répondre à mon humeur.

Menelyan me tira de mes pensées en hennissant et je constatai que mes deux compagnons à quatre sabots s'étaient arrêtés devant une maison délabrée. Certaines parties du toit s'étaient écroulées mais la pièce principale semblait avoir été préservée. Je mis pied à terre et flattai l'encolure de l'ombrageux étalon avant de le décharger de son paquetage, il suivit aussitôt Fanyarë vers les anciennes écuries, comme si pour lui aussi ce long trajet n'avait été qu'un retour à la maison après un long voyage.

Hésitant encore à m'approcher de la porte, je pris tout mon temps pour déplacer mes affaires jusqu'à l'ancienne écurie où les deux chevaux avaient déjà trouvé leur place, je m'occupais d'eux et de leur nourriture avant de retourner devant l'ancienne entrée de la maison. Il n'y avait jamais eu de clé pour la fermer, je tournai la poignée sans m'attendre à une quelconque autre résistance que celle du bois qui a vieilli et s'est gonflé de pluie. Je ne fus pas surprise de n'avoir aucun mal à l'ouvrir. La pièce n'avait que peu changé, s'il y avait quelques jours dans la toiture, les dégâts étaient minimes comparé au reste de la demeure qui avait souffert de l'usure du temps. Je me glissai à l'intérieur et me dirigeai immédiatement vers l'antique cheminée qui ornait le mur opposé à l'entrée, j’en dégageai prestement l'âtre et y déposai le bois que j'avais ramassé durant les dernières heures de trajet afin d'allumer un feu. Lorsque je n'eus plus rien à faire, l'absence de vie dans la maison en dehors de ma présence tomba sur moi avec une force que je n'avais pas imaginée. Si j'avais pu me retenir jusque-là, j'éclatais en sanglots devant ce qu'il restait du lieu où j'avais vécu alors que mes parents étaient tous deux encore en vie.