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Camellya se demandait encore si elle avait bien fait, si ce qu’elle avait décidé était réellement la meilleure chose à faire. Chaque jour qui passait depuis cette nuit où Arlienon avait ramené Yualë sans connaissance était habité par le doute. Elle avait gardé l’Elfe chez elle pour la veiller et avait informé Coriolan.

Cette tâche s’était révélé la plus difficile jusqu’à présent. Camellya ne savait pas si elle avait réussi à le réconforter et se sentait impuissante face à la situation. Coriolan avait écouté les nouvelles, lu les lettres inachevées lui étant adressé. Il ne s’était pas complètement effondré, mais sa douleur était visible et ses larmes témoignaient de sa peine. Tout naturellement, il avait exigé à voir les carnets de voyage de son aimée et s’était enfermé dans une des résidences pour les lire, espérant y trouver des réponses, voire même un espoir. Et surtout, de quoi prendre une décision sur ses actes à venir.


Dix jours après son arrivée, la belle s’était enfin réveillée. Maussade, déprimée, angoissée par le mal qu’elle avait pu faire. Mais le pire pour elle étaient ces trous dans sa mémoire, ces souvenirs incomplets, et la désagréable certitude qu’elle avait oublié quelqu’un qui lui était cher ne la quittait pas. Camellya faisait de son mieux pour répondre à ses questions, sans rien dévoiler, aussi parlait-elle très souvent d’elle-même. Si elle s’en remettait entièrement au jugement de Coriolan et attendait qu’il prenne une décision, elle se sentait gênée entre eux deux, soutenant les deux parties sans pouvoir vraiment les rapprocher.

Yualë avait émis le souhait de rencontrer un tatoueur pour masquer les marques sur sa main et la capitaine comptait bien lui présenter celui qui travaillait le plus finement et le plus élégamment. Il fallait pour cela qu’elle se procure une nouvelle fiole d’encre adaptée et elle savait très bien où obtenir les éléments magiques qui donneraient le plus de puissance au tracé du tatouage. Mais jamais elle n’en parlerait à l’Elfe à qui elle demanda de rentrer seule de leur collation. Car Camellya allait rendre visite à Coriolan. Comment expliquer à Yualë que celui qu’elle avait aimé était en fait dans la demeure juste à côté et que l’un des ingrédients qui seraient ajoutés à l’encre ne serait autre qu’une goutte de son sang ? Enfin, s’il acceptait…


Le jeune homme avait rangé et emballé consciencieusement les carnets de la dame de son cœur. Il était en pleine réflexion, assis sur un fauteuil confortable quand Camellya entra. Il parut légèrement surpris de la voir.

« Je suis seule, ne t’inquiète pas. »

Elle déposa ses affaires sur une table et retira ses gants.

« Elle a demandé ses carnets, je lui ai dit de les demander à Arlienon. »

« Ils sont là, tu peux les prendre. », lui répondit-il en désignant la grande table.

« Je lui dirai que je suis allée moi-même lui demander. », dit-elle en récupérant le paquet. « Elle veut un tatouage. Sur la main. Qu’as-tu décidé ? Est-il encore trop tôt ? »

Coriolan garda le silence un moment, son regard perdu dans le vague. Camellya s’approcha de lui et posa sa main sur son bras.

« Coriolan, j’ai besoin d’une réponse. Que dois-je faire ? »

Il lui sourit tristement, puis se leva pour marcher un peu dans la pièce. Il prit un paquet plus petit sur la cheminée avec une lettre et les tendit à son amie.

« Donne-lui ceci, s’il te plaît. Elle n’est pas signée. »

Devant le regard interrogateur de Camellya, il lui expliqua le contenu. Le paquet, un petit cheval en bois, symbole de ses origines. La lettre, ses souhaits. Aucun reproche, juste l’espoir qu’elle aimera à nouveau. Qu’il espère que ce sera lui mais qu’il ne veut pas que son jugement soit faussé et qu’elle se sente obligée de répondre à ses sentiments s’il se présente à elle comme étant celui qu’elle aimait. Qu’il comprendra si elle en aime un autre.

« Pour l’encre, c’est d’accord. », conclut-il.


Camellya quitta la demeure le cœur lourd, les larmes discrètes et retenues de son ami en tête. Elle avait conscience de l’immense sacrifice auquel Coriolan avait consenti et cela l’honorait. Restait à voir si tout se déroulerait au mieux pour eux.