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La première chose que je fis en sortant de chez moi fut de me rendre chez Arlienon qui vivait dans la maison d’à côté. Je frappais fortement à la porte jusqu’à entendre du bruit à l’intérieur. Arlienon ouvrit, je vis qu’il avait clairement l’intention de renvoyer le gêneur cependant il changea d’expression en me voyant. Il s’effaça afin que je puisse entrer, je déposai les fleurs ainsi que mon sac sur la table et me tournai vers lui.


- Il faut que tu m’aides.

- C’est urgent ?


Je hochai la tête et désignai le bouquet.


- J’aurais besoin que tu trouves quelque chose pour les préserver, qu’elles restent telles qu’elles sont et ne puissent pas se faner ou je ne sais quoi d’autre.


Il considéra ce que je lui montrai et soupira.


- Qu’as-tu encore fait..

- J’ai fait ce que je devais. Occupe-t-en s’il te plait !


Comprenant que je ne le laisserais pas en paix tant que je n’aurais pas eu ce que je voulais, il alla chercher un livre et commença à déposer des fioles plus ou moins pleines sur le reste de la table.

Tout en grommelant sur ma manie de venir le déranger à des heures indues pour des choses ridicules, il commença sa préparation. Usant de ses capacités, il alluma un petit feu dans un espace réservé de la pièce puis accrocha au-dessus une petite marmite qui avait connu des jours meilleurs. Un à un, il versa es ingrédients qu’il avait préparé en prononçant des paroles incompréhensible.

Il revint vers moi et me regarda droit dans les yeux.


- Maintenant explique-moi ce qu’il s’est passé.


Je m’assis sur la chaise que je préférais et tentai de trouver les bons mots pour expliquer sans pleurer de nouveau.


- Je lui ai demandé de vivre sa vie.

- A qui donc ?


Je désignai les fleurs.


- A celui que j’ai oublié.. Qui est également celui qui m’a offert ces fleurs..


Arlienon se frotta le menton. Je cru qu’il allait faire un commentaire, mais il prit les quatre fioles vides qui restaient sur la table et me les tendit.


- Mets les plus belles là-dedans. Une par fiole. Je n’avais pas prévu qu’une certaine amie débarquerait avec tout un bouquet à conserver.


Je le remerciai d’un sourire et choisi les myosotis qui me plaisaient le plus. J’en déposai un dans chacune des fioles qu’il m’avait tendue. Je le vis revenir avec autant de pierres de petite taille, je ne reconnus pas leur matériau qui luisait faiblement. Me voyant intriguée, Arlienon m’en tendit une. Je la tournai dans tous les sens, toujours incapable de déterminer la nature de la pierre, et constatai qu’elle avait été gravée. Arlienon s’occupa des trois premiers flacons pendant que j’observai la rune puis il me la demanda. Je l’entendis prononcer quelques mots et déposer quelques gouttes de la préparation sur la fleurs avant d’y ajouter la pierre et de reboucher le tout.


- Je te préviens, c’est la dernière fois que je fais de la taxidermie florale. N’ouvre pas les fioles durant une bonne journée, ensuite les fleurs seront comme éternelles, elles ne pourront être altérées ni par le temps, ni par autre chose.

- Merci beaucoup Arlienon.

- Je t’en prie. Je suppose que tu t’en vas.

- Oui..

- Sais-tu où tu vas aller ?

- La Lothlorien ou la Forêt Noire, cela dépendra de mon humeur.


Je laissai mon ami tranquille après avoir pris mon petit déjeuner avec lui, il refusa de me voir partir avant que j’ai récupéré un petit sac dans lequel il avait glissé de nombreux mélanges de plantes visant à me soigner en cas de problème. Touchée, je le remerciai à nouveau avant de prendre congé. Je pris ensuite la route jusqu’à Bree. Mon départ n’ayant pas été prémédité, je me devais de régler quelques affaires avant de m’en aller.


Je me rendis rapidement dans les quartiers résidentiels de Vivelutte, j’avais hésité durant mon trajet entre rejoindre dans un premier temps la maison des Malta a Miril ou bien celle des Lunae Candentia et finit par trancher la question. Je savais que ma visite auprès de ma confrérie serait rapide alors que celle auprès de Lya s’éterniserait forcément, j’optais donc pour un détour vers le 8 rue longue.

La maison semblait vide, elle servait principalement de point de ralliement et de lieu de rencontre aussi je ne fus pas surprise. Je me rendis dans la salle réservée à la lecture et m’assis à l’étude pour rédiger une courte lettre annonçant mon départ. Je déposai le courrier bien en évidence sur les affaires que je savais être celles de Camellya puis partis en direction de la seconde demeure que je souhaitai visiter.


Lya était une Elfe qui avait la particularité d’être toujours joyeuse. Chassée avec les siens des terres qu’ils occupaient auparavant, elle avait appris à relativiser et à rire de tout. Mon entrée dans son domaine fut la même qu’à l’accoutumée : Elle vint m’ouvrir puis me sauta au cou avant de parler - sans respirer me semblait-il - une dizaine de minute de tout et de rien. Je laissai le flot de paroles se tarir avant de prononcer un timide :


- Bonjour Lya.

- Je sais que tu as encore envoyé paître mon frère au point qu’il s’est rendu à Fondcombe, inutile de me présenter de nouveau tes excuses le concernant, la lettre m’a suffit.


Ce que j’appréciai le plus chez elle, c’était qu’elle n’était jamais rancunière.


- Je ne suis pas venue pour ça, mais pour demander service à la bijoutière pleine de goût que tu es.


Elle battit des mains.


- Tu te décides enfin à faire percer tes oreilles ? J’ai justement tout le matériel à disposition !

- Non, pas vraiment, je n’aimerais pas qu’un gobelin se prenne un doigt dans une de tes créations et m’arrache l’oreille.

- Tes excuses sont toutes aussi ridicules les uns que les autres. Que puis-je faire pour toi puisque je ne peux pas m’occuper d’enjoliver ces belles oreilles.


Je sortis de mon sac les quatre fioles et choisis le plus beau myosotis. Arlienon avait dit un jour, le trajet jusqu’à Bree m’en avait pris trois, je pouvais largement me permettre de l’ouvrir. Je débouchai la petite bouteille et en sorti la fleur que je tendis à Lya.


- J’aimerais que tu m’en fasses un pendentif.


Elle regarda la fleur d’un air appréciateur et en sentit l’odeur.


- Quelqu’un a lancé un sortilège de préservation sur elle n’est-ce pas ?


Je hochai la tête, nullement surprise qu’elle connaisse ce genre de chose.


- Tu as donc brisé un second coeur en plus de celui de mon frère ? Il faudrait que tu te décides à être moins cachottière et me raconter ce que tu fais de ton temps.

- En vérité, il s’agit de trois coeurs qui ont été brisés.


Elle m’observa un moment avant de se lever en emportant la fleur.


- Je vais faire ce que tu me demandes, je me charge également de la chaîne. En échange, le jour où tu trouveras quelqu’un, je souhaite que tu viennes me le dire la première et que tu me laisses me charger d’Arkhel.

- C’est bien peu de choses.


Elle me sourit et m’invita à la suivre dans son atelier. Lya était une artiste et une orfèvre hors pair, la voir travailler était un plaisir d’autant qu’elle continuait d’entretenir la discussion en évitant les sujets pouvant s’avérer douloureux. Elle parla beaucoup de sa fille qui était née peu de temps après mon départ, me racontant des anecdotes amusantes à son sujet. Pour finir, elle passa autour de mon cou une chaîne d’une grande finesse malgré sa solidité, elle avait encerclé la fleur d’un fin liseret argenté la mettant en valeur. Le pendentif trouva de lui-même sa place entre mes seins.


- Je l’ai faite longue afin qu’elle ne te gêne pas lors des combats. Je sais que tu es une vraie furie sur les champs de batailles.


Considérant mes cheveux qu’elle avait en main, Lya décréta qu’elle ne me laisserait pas repartir avant d’avoir fait quelque chose. Continuant ses histoires, elle s’occupa de brosser ma chevelure puis de la recouper légèrement avant de la tresser comme j’en avais l’habitude afin que je ne sois pas gênée.

En la quittant, j’eus la sensation de laisser derrière moi une amie bien plus chère que je ne l’aurais pensé.