Assise devant mon étude, je contemplai la feuille vierge de toute
écriture qui y était posée. La nuit avait été plus agréable que la
précédente malgré le sol dur de l'écurie, la chaleur des deux chevaux
collés contre moi m'avait fait du bien. Je m'étais levée, décidée à
partir en quête d'Erelyd et j'avais pris conscience que ma décision de
me lier aux Malta a Miril m'obligeait à les prévenir de mon absence.
Tout du moins, Arlienon m'avait bien fait comprendre que je devais
cesser de disparaître dans la nature sans avertir qui que ce soit.
Ma
première idée avait été d'envoyer une lettre à Coriolan afin qu'il
transmette le message aux membres de notre petite confrérie, mais
j'avais aussitôt chassé cette pensée de mon esprit. Notre séparation la
veille au soir s'était avérée difficile, lui annoncer mon départ avait
été compliqué et je m'en voulais encore de ne pas avoir été capable de
lui en donner les véritables raisons. Coriolan était un homme plein de
qualités, prévoyant et protecteur, ses attentions me touchaient au plus
haut point, savoir que je n'allais pas pouvoir le revoir avant plusieurs
semaines me brisait déjà le cœur. Je jetai un regard sur la couverture
qu'il m'avait offerte la veille et souris légèrement. Il me semblait
cruel de lui confier la tâche d'annoncer mon départ, je ne voulais pas
raviver sa tristesse.
Je pris ma plume et la trempai mollement dans
l'encre en cherchant les mots que j'allais écrire afin d'éviter d'en dire
trop sur les raisons de mon départ.
7 février XXX5
Ma Dame,
Il
m'est nécessaire de vous annoncer aujourd'hui mon départ pour un long
voyage. Ma destination est encore imprécise aussi je ne peux vous donner
aucun lieu pour envoyer une réponse à cette missive. La durée de cette
excursion ne dépendant pas de moi, je ne sais combien de temps je serai
absente.
Je vous ferai parvenir
de mes nouvelles aussi souvent que possible mais ne resterai sans doute
pas plus d'une journée à chacune de mes escales ce qui est insuffisant
pour recevoir des vôtres.
Si mon
retour devient nécessaire, faites envoyer un courrier au Poney
Fringant, à Bree, je ferai en sorte de m'y rendre aussi souvent que mes
pérégrinations me le permettront.
Respectueusement,
Yualë.
Satisfaite de ma lettre, je la glissai dans une enveloppe et
rangeai ma plume après l'avoir consciencieusement nettoyée dans le sac
posé à mes pieds, j'y ajoutai les carnets que je n'avais pas encore
consultés et sortis de chez moi, ma couverture serrée contre moi et mon
paquetage sur le dos. Menelyan piaffait d'impatience, il était toujours
d'excellente humeur lorsqu'il sentait que le départ approchait. Je
déposai mon fardeau dans les paniers qui ornaient les flancs de Fanyarë
puis montai d'un bond sur le dos de l'étalon.
Il ne me fallut pas longtemps pour confier ma lettre à un Hobbit connaissant Dame Camellya
A présent, plus rien ne me retenait dans cette contrée, je mis le cap sur Castelorge pour rejoindre l'Evendim.