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Coriolan chevauchait depuis plusieurs jours. Comté, Pays de Bree puis Terres solitaires. Il avait profité de la halte à Bree pour envoyer une lettre à Camellya, histoire de la tenir au courant de ses avancées.

Il suivait ou devançait Yualë de loin, tout en veillant à ne pas la perdre de vue. Il ne campait jamais bien loin d’elle et éliminait régulièrement tout ce qui pouvait constituer une menace. Il savait très bien qu’elle était tout à fait capable de s’en occuper elle-même, mais il ne pouvait s’empêcher de la protéger malgré tout.


La Trouée des Trolls approchait. Elle se dirigeait vers Fondcombe ou la Lorien. Il espérait que ce ne serait pas Fondcombe... Il la suivait et était sur le point de la rattraper. Il n’avait pas encore trouvé l’occasion ou le courage de lui adresser la parole. Un gobelin maladroit constitua cette opportunité.

Une flèche blessa Menelyan qui se cabra et fit tomber sa cavalière. Sous l’effet de la douleur, l’étalon partit au galop. Le sang de Coriolan ne fit qu’un tour et le gardien se lança à la poursuite de Menelyan. Arrivé à sa hauteur, il réussit à attraper la bride du cheval et à s’accrocher à son cou. Menelyan ralentit et s’arrêta. Coriolan mit pied à terre, récupéra un de ses sacs et laissa filer sa monture. Fumée partit en sens inverse pour charger et piétiner le gobelin.

Sacoche sur l’épaule, Coriolan revint sur ses pas en tentant de réconforter Menelyan. Yualë était à terre, comme assommée par sa chute. Il se porta à son secours au vite que possible et vérifia avant tout si elle ne s’était pas cogné la tête. Ne décelant aucune blessure, il l’installa confortablement sur une couverture. Sa respiration était régulière. Il profita de cet instant pour lui caresser la joue et déposer un baiser sur son front.

A contre-cœur, il la quitta pour soigner Menelyan. La flèche extraite, il constata qu’il n’y avait pas de trace de poison dans la plaie. Tant mieux. Il pansa la blessure et dessella les trois chevaux pour les laisser libres de leurs mouvements.


Yualë se réveilla quelques heures plus tard, avec une belle bosse et un mal de crâne assez prononcé. Coriolan s’activait autour du feu pour préparer un repas.

« Ne faites pas de mouvement brusque. »

Il l’aida à se redresser.

« Voilà. Vous avez faim ? »

Il lui tendit une gamelle de soupe avec quelques morceaux de viande fumée.

L’Elfe considéra le jeune homme, trouvant la situation autant que l'attention de celui-ci décalés. L'ignorant, elle regardait autour d’elle et repéra Menelyan accompagné de Fanyarë. Voyant que le pire était passé, elle prit le bol sans rien dire.

Coriolan lui expliqua ce qu’il s’était passé et qu’il avait soigné son cheval. Elle fronçait les sourcils en l'écoutant et se rappelait des faits : Menelyan s'était cabré et l’avait envoyée valser au loin sans qu’elle ait eu le temps de se retenir. Elle fit un léger sourire à son sauveur et le remercia. Ce à quoi il répondit qu’il n’avait fait que ce que son devoir lui dictait et qu’elle aurait sans nul doute fait la même chose si la situation avait été inversée. Il lui proposa de partager le campement pour la nuit.


Coriolan s’était réveillé au lever du jour, enfin, il n’avait pas vraiment pu dormir. La savoir si proche de lui le tétanisait. Il se maintenait éveillé et vigilant depuis plusieurs jours grâce à des mélanges réalisés par Camellya. Il savait bien qu’il ne pourrait pas continuer éternellement à ce rythme.

Il avait déjà rangé ses affaires et sellé Fumée quand Yualë ouvrit les yeux.

« Bonjour. J’étais sur le point de partir. Je ne voudrais pas vous imposer ma présence, dame, à moins que vous ne souhaitiez que nous voyagions ensemble tant que nos routes sont communes. »

« Sans vouloir vous offenser, je crois que je préfère rester seule. Je serais vite agacée par la présence de quelqu'un d'autre... », lui répondit-elle.

« Je comprends. »

Il vérifia une dernière fois les sangles de sa selle.

« Très bien, tout est prêt pour ma part. L’eau est chaude. Je vous ai laissé quelques baumes. Pour votre bosse et la blessure de votre étalon. »

L’Elfe semblait surprise, mais Coriolan ne releva pas. Il s’approcha d’elle et s’agenouilla, le poing sur le coeur.

« Prenez soin de vous, dame. »

Puis il monta à cheval.

« Au fait, si nous nous recroisons, je m’appelle Coriolan. »

Et il lança Fumée au galop.


Quelques heures plus tard, Coriolan ralentit la cadence en s’apercevant qu’il pleurait. Pourquoi devait-il supporter tout ça ? Pour ajouter à sa détresse, sa tête commençait sérieusement à lui faire mal. Ce n’était pas le moment, non pas vraiment. Il avait été trop négligeant et cette blessure venait le lui rappeler. Il fallait qu’il agisse vite pour atténuer le mal. Et il n’avait pas ce qu’il fallait sur lui pour un traitement de choc.

Le bruit d’une cascade. Il se dirigea tant bien que mal vers la rivière. L’endroit semblait sûr mais il la traversa pour installer son campement du côté de la barre rocheuse. Après s’être passé un peu d’eau sur le visage, il libéra Fumée de sa selle et de son mors. Quant à lui, il finit en pantalon léger dans la rivière et alla se placer une dizaine de minutes sous la cascade. L’eau était froide, le fond de l’air frais, cela le soulageait un peu.

De retour près de son cheval, il alluma un feu et partit en quête d’un flacon dans ses sacs. Qu’il trouva, mais peu rempli, à son grand désespoir. Il portait régulièrement la main à son front en grimaçant. Il se décida à verser une partie de la fiole dans un gobelet qu’il tenta de boire d’une traite. Puis il s’installa sur une couverture, adossé à un arbre. Coriolan tendit la main vers Fumée en l’appelant. Ce dernier s’approcha. Il lui parla longuement à l’oreille en caressant sa crinière. Le cheval s’écarta de son maître et entreprit de brouter l’herbe paisiblement tout en restant aux aguets.

Épée et bouclier à portée de main, le jeune homme s’endormit en n’ayant pour seul vêtement que son pantalon mouillé.