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Les arbres de la Forêt d’Or se balançaient doucement au gré du vent. J’écoutais le bruit des feuilles qui se mêlait aux pas souple de mes chevaux dans la mousse. Le trajets jusqu’à Calas Galadhon prenait environ quatre jours pour un visiteur ne connaissant pas la route. Cela faisait une semaine que je vagabondais, nullement pressée d’arriver au but de mon voyage. J’avais besoin de temps, il me fallait réfléchir à ce que je devais faire et prendre des décisions.

Devais-je me rendre auprès de la Dame pour lui demander des explications sur le sortilège qu’elle avait lancé ? Pouvais-je lui demander de réparer ce qu’elle avait fait ? Ou le meilleur choix restait-il de ne prendre que quelques vivres supplémentaires en ville et pousser jusqu’à la Forêt Noire pour me joindre aux batailles qui y faisait rage ? Je n’étais pas encore certaine de ce que je voulais et surtout de ce qui serait le mieux pour tout le monde.


Fanyarë s’arrêta d’elle-même. Je ne ressentais aucun danger, elle était seulement troublée par mon indécision et mon absence de directives. Je décidais de monter mon campement pour la nuit. Lossëa s’échappa immédiatement de la besace où elle restait durant la journée, courant après un Menelyan joueur pour se dégourdir les pattes. Leur complicité me surprenait, entre le belliqueux étalon et la petite louve s’étaient noués des liens très fort, poussant l’imposante créature à veiller sur la minuscule boule de poil. Je ne m’inquiétais donc pas en les voyant s’éloigner tous les deux, sachant que Menelyan reviendrait toujours vers Fanyarë. En attendant leur retour, je m’occupai de la jument qui se comportait de façon étrange depuis quelques temps. Elle semblait plus sensible et nerveuse, j’avais mis tout cela sur le compte de notre trajet à l’intérieur de la Moria mais cette explication ne tenait plus. J’éliminais rapidement la possibilité qu’elle soit malade ou blessée, ne restait qu’un évènement que l’on disait heureux, ce qui me fit sourire. Encore une fois, je constatais que quoi qu’il advienne, la vie reprenait toujours ses droits.


Je passai le reste de la soirée à réorganiser mes affaires pour alléger le fardeau de Fanyarë en terminant par mon sac. Étaler les effets auxquels je tenais le plus me rendit nostalgique. Une grande part de ma vie se trouvait là. Depuis des années je n’avais conservé que peu de choses, préférant toujours les voyages à une vie sédentaire, me poussant à faire des choix quant à ce que j’emportais avec moi. Le fait d’avoir à présent un lieu où rentrer n’avait pas vraiment changé mes habitudes, augmentant seulement ma collection de livres que j’avais conséquente. Un carnet presque rempli dont j’avais orné la couverture de dessins divers, un autre attendant de prendre sa place, du matériel d’écriture accompagné d’une pochette contenant le nécessaire pour ma correspondance, les trois fioles protégeant chacune un myosotis, le sac contenant les herbes médicinales que m’avait confié Arlienon, la harpe de mon père, une petite boite sculptée dans laquelle j’avais rangé des objets ayant appartenu à mes parents et le petit cheval de bois sur lequel mes doigts se refermèrent.

Je me demandais à nouveau ce qu’il aurait souhaité. C’était presque devenu un rituel depuis que j’étais de nouveau seule. Je savais qu’aucune des options que j’avais à l’esprit n’excluait les autres, je me dis que la Forêt Noire était encore loin et que faire un détour par Caras Galadhon ne rallongerait pas tant que ça mon trajet. Avec les réponses, je pourrai peut-être agir en mon âme et conscience. J’aurais essayé.


Lossëa me tira de mes pensées en tentant de subtiliser mon carnet dont la couverture était en cuir, sa grande passion. Je rangeai aussitôt mes affaires et plaçai le sac hors de sa portée. J’avais eu bien du mal à attacher autour de son cou la lanière supportant la plaque à son nom, elle voulait absolument le ronger. Coriolan n’avait pas quitté mon esprit depuis mon départ de la Moria, je priais sans cesse pour qu’il se porte mieux, me refusant à imaginer le pire. Il m’était impossible de retourner le voir, le problème n’étant pas lié à une incapacité physique à évoluer au sein de la montagne mais plutôt à ma volonté de ne pas me montrer à lui dans l’état d’indécision où j’étais. Mes sentiments se faisaient moins brûlant au fur et à mesure des jours et même si la culpabilité me rongeait toujours, son absence rendait mes réflexions moins difficiles.

Quelque part, la situation était ironique, j’avais demandé à cet homme de vivre sa vie, lui avais rendu ses promesse et me sentais incapable de faire de même de mon côté. Je n’avais pas besoin de mes carnets ni de mes souvenirs pour savoir de quelle façon j’aurais agit en aimant quelqu’un, ce que j’étais rendait simple des serments impossibles à défaire. Normalement.


Etais-je si coupable que cela ? Pouvais-je seulement lutter contre les effets secondaires de mon choix ? Pour la deuxième interrogation, j’en connaissais parfaitement la réponse. Il ne me restait qu’à assumer ou fuir. La dernière possibilité étant à l’opposé de mon caractère.

Lorsque j’avais voulu donner la cape - enfin terminée - à Coriolan, je n’avais pas pu le rencontrer. J’avais senti sa présence dans la maison et l’odeur de sa douleur m’avait destabilisée. J’aurais pu exiger de le voir, mais n’en avais rien fait, préférant la solution proposée par ce nain en ne laissant pour seul message qu’une note qui se voulait joyeuse.



“Il pleut parfois en Lothlorien”



Je ne pouvais plus partir de la région, seulement rencontrer la Dame pour voir ce que je pouvais faire et tenter de réparer les choses. Je mettrai probablement du temps à accepter mes sentiments s’il n’y avait rien d’autre à faire. Temps qui était précieux de par ses origines Humaines. Et lui, qu’en penserait-il ? Quoi qu’il advienne, je devrai tout lui expliquer, sans omettre un seul détail de ce que je savais. Mon incapacité à dire les choses à celui que j’avais aimé n’avait en rien aidé à la situation actuelle.


Lossëa commençait à japper, elle devait avoir faim. Il n’y avait plus rien à réfléchir, j’avais pris ma décision. Après m’être occupée de mes trois compagnons puis de moi-même, je m’endormis en sachant que le lendemain, je serai à Caras Galadhon.