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Caras Galadhon me faisait toujours le même effet. Quel que soit mon état d’esprit, la part elfique de mon être prenait le dessus me poussant à changer mon comportement jusqu’à m’adapter au lieu. Deux jours après mon arrivée, j’avais déjà changé ma garde robe pour me mêler à la population sans que l’on se retourne sur moi et ne parlais plus qu’en Sindarin. Je m’étais trouvée une petite chambre dans une minuscule taverne que je connaissais bien, j’y avais déposé mes effets ainsi que mon armure et mes armes. Lossëa ayant fait grande impression auprès de ceux qui l’avait aperçue, je la laissais là durant la journée pour éviter qu’elle n’attire trop l’attention.


J’avais pris le parti d’amener Fanyarë auprès de quelqu’un qui pourrait confirmer mes doutes, c’était la dernière chose qu’il me restait à faire avant de me rendre auprès de mon ancien compagnon d’arme et ami, Elénd. Il ne savait pas que j’étais en ville mais je connaissais son emploi du temps qui n’avait guère changé depuis des années. J’avais donc pris la décision de me rendre à la salle de garde le soir même, car j’avais de fortes chances de l’y trouver, afin de lui demander son aide pour m’obtenir une entrevue avec la Dame.

Fanyarë faisait quelques difficultés sur le chemin, Menelyan semblait avoir teinté légèrement son caractère. Elle qui était habituellement placide en toutes circonstances, la voilà qui s’agitait dès qu’il y avait plus de deux ou trois personnes autour d’elle. A force de prendre les chemins les moins fréquentés pour préserver son calme, je finis par longer le jardin de la Dame. Je restai un long moment à regarder devant moi puis finis par tourner la tête en direction du parc. Galadriel était là, elle me dardait de son air mystérieux, elle me sourit puis disparu au détour d’un bosquet. Je ne repris ma route qu’après m’être rendue compte que la luminosité baissait et que j’allais être en retard.


Je connaissais bien l’éleveuse chez qui je me rendais, elle possédait depuis des années d’un haras un peu à l’écart de la ville dans lequel je passais la plupart de mon temps libre lorsque je vivais encore là. En me voyant arriver, elle délaissa immédiatement la jument dont elle s’occupait pour me souhaiter la bienvenue.


- Ca alors, Yualë, je ne pensais pas te revoir un jour !

- Il faut croire que tu te trompais Celywiel.


Elle me serra contre elle avant de m’écarter un peu et de me regarder de haut en bas.


- C’est que tu ressemblerais presque à une femme comme ça !

- As-tu terminé tes moqueries ?

- Que t’est-il arrivé pour que tu changes à ce point ? Un Elfe aurait-il dompté la sauvageonne et enfin fait ressortir sa féminité ?


Je ne voulais pas parler de ça.


- J’avais plutôt envie de me fondre dans le paysage. Mon armure et mes armes sont dans ma chambre. Je n’en ai pas l’utilité ici. Sauf si je veux attirer l’attention évidemment.


Elle éclata de rire ce qui me projeta des années en arrière, alors que nous avions l’habitude de discuter entre deux tentatives - infructueuses - pour dompter Menelyan.


- Que puis-je faire pour toi aujourd’hui, je me doute que tu n’es pas venue me montrer ta nouvelle robe.

- Fanyarë est nerveuse, je n’ai rien trouvé de particulier donc je me demandais si elle n’attendait tout simplement pas un petit.

- Si tu continues de laisser ta jument gambader où elle veut comme tu en avais l’habitude, c’est fort probable qu’elle ait croisé un mâle.

- Elle a un étalon à porté de main à longueur de journée, je n’attache ni l’un ni l’autre quand je suis en voyage.

- Tiens ? J’ignorais que tu avais un second cheval, je pensais que seule Fanyarë avait grâce à tes yeux.


Je lui lançai un regard surpris, réalisant qu’en n’était jamais revenue, elle n’avait pas su que Menelyan m’avait rejointe lors de mon départ. Je lui souris.


- Si tu veux je t’amène voir le second un autre jour, il est tranquillement installé près de l’auberge où j’ai pris une chambre. Lui aussi est plutôt nerveux, mais c’est habituel dans son cas.

- Qu'as-tu encore adopté comme compagnon à quatre pattes.. Je me souviens que tu avais pour habitude de revenir auprès de moi avec les créatures les plus improbable. D’ailleurs..


Elle avait l’air peinée.


- L’étalon que tu avais capturé et que tu avais tant de mal à approcher s’est enfui après ton départ. On ne l’a jamais retrouvé.

- Ne t’inquiète pas pour ça, je suis certaine qu’il va bien. Il était hargneux, ce n’est pas les quelques mois qu’il a passé dans un box qui ont dû changer son caractère.


Elle hocha la tête avant de se tourner vers Fanyarë.


- Bien, si on s’occupait de cette dame ?


Je me poussai et la laissai faire son travail. La discussion que nous avions se poursuivit un long moment après qu’elle ait confirmé mon impression et vérifié que la jument n’avait aucun problème de santé ni de blessure. Je finis par prendre congé, n’ayant pour seules consignes que de prendre soin de Fanyarë et de revenir le lendemain avec mon nouveau compagnon à quatre sabots. J’envisageai de ramener également Lossëa qui devait dormir paisiblement dans ma chambre quand j’arrivai enfin devant la salle de garde. Le cheval d’Elénd était attaché à la rambarde à l’extérieur, je ne m’étais donc pas trompée. Je laissai Fanyarë à côté de l’étalon et rentrai dans ce lieu rempli de souvenir.


La salle de garde n’était pas très grande. Lorsque j’étais jeune, je devais m’y rendre au moins deux fois par jour pour faire mon rapport et prendre mes ordres. Il y avait de nombreuses tables et chaises abîmées par le temps et les passages réguliers des Elfes qui s’y asseyaient pour discuter et échanger des informations. Dans un coin de la pièce on pouvait voir une cheminée  contre laquelle était appuyé un râtelier d’armes bien rempli et des boucliers nécessitant des réparations. Aux murs étaient accrochés quelques peintures représentant la Forêt d’Or et des citations diverses rappelant à chacun ce pourquoi ils servaient la Dame par les armes.

Elénd était assis à la table qu’il avait l’habitude d’occuper, regardant ses registres. Il leva les yeux en m’entendant entrer et fronça les sourcils, prêt à me demander de déguerpir de cet endroit qui n’était pas fait pour moi. Je lui présentai mes respects en m’inclinant devant lui comme l’aurait fait n’importe quel garde. J’entendis le bruit caractéristique d’une chaise tombant, Elénd m’aida à me redresser.


- Par les Valar Yualë, que c’est bon de te revoir !

- Je suis contente aussi Elénd, il y a bien longtemps que j’aurais dû revenir.


Il m'entraîna vers sa table et tira un siège pour moi. A son regard, il était autant surpris que Celywiel de mon allure si féminine. Il lui fallut une bonne dizaine de minutes pour faire le tri de ce qu’il voulait me demander. J’attendais patiemment, consciente que je n’avais pas été des plus honnête en partant sans rien dire du jour au lendemain.


- Je vois que tu te portes bien.

- En effet.

- Nous nous sommes inquiétés pour toi, mais la Dame nous a rapidement rassuré et nous a affirmé que tu reviendrais.


Encore elle ?


- Je m’excuse pour tout cela, je ne savais plus où j’en étais, je n’ai même pas souvenir d’avoir pris mes affaires et d’être partie.

- Ce n’est rien. Tu sais de toute façon que ta place est toujours ici si tu le désires.


Il désigna quelque chose derrière moi. Non loin de la porte d’entrée une armure était entreposée dans un coin d’ombre. Mon armure. Il m’était facile de la reconnaître, les femmes à prendre les armes chez les Galadhrim étaient peu nombreuses et j’étais la seule au sein de la Garde avant mon départ. L’armure avait dû être adaptée à mes formes, je me souvenais très bien du jour où mon mentor l’avait ramenée, le forgeron l’accompagnant pour faire les derniers réglages directement sur moi.

C’était Elénd qui m’avait demandé de le rejoindre en me promettant de m’enseigner ce qu’il savait si j’acceptais de servir la Dame. Nous nous étions rencontrés à Fondcombe alors que je terminais mon apprentissage. Jugeant mon potentiel non négligeable, il avait tout fait pour me convaincre. J’avais finit par repartir avec lui.

Ce temps était terminé.


- Je te remercie pour ton offre, mais j’ai choisi de me joindre à d’autres combats. Protéger la Forêt d’Or est quelque chose qui te ressemble plus. Je suis faite pour voyager et me mêler aux escarmouches qui ont lieu un peu partout dans les Terres du Milieu.

- Je connaissais déjà ta réponse, il fallait bien que j’essaie tout de même.


Je souris.


- C’est pour cette raison que tu gardes cette armure ici ?

- Pas du tout, elle me sert à rappeler aux jeunes recrues que tout un chacun peut avoir une place parmi nous. Ça leur enseigne le respect. Si tu pouvais faire une apparition rapide, cela m’arrangerait d’ailleurs, ils vont finir par croire que cette armure n’a jamais appartenu à personne.


J’éclatai de rire.


- Bien sûr, tout ce que tu veux. Mais avant j’ai un service à te demander mon ami.

- Je t’écoute.

- Il faudrait que tu m’obtiennes un entretien avec la Dame.


Je le vis pâlir, chose à laquelle je n’étais pas habituée. Il murmura quelque chose que je ne compris pas, puis glissa sa main dans un sac qu’il avait à sa droite. Il en sorti une enveloppe épaisse qui avait vécu, elle était tachée et froissée. Il n’y avait aucune inscription dessus, mais je reconnus sans peine le papier que j’avais l’habitude d’utiliser pour mon propre courrier.


- Ton ami est venu ici, il m’a dit que ceci était pour toi et que je devrais te le donner si tu demandais à voir la Dame.

- Quel ami ? De quoi s’agit-il ?

- Ton ami Arlienon, il a dit que c’était important. Je ne sais pas ce que c’est, il a juste dit que c’était pour toi et que tu saurais quoi en faire.


Je lui pris la lettre des mains, je n’en avais aucun souvenir et me demandai pourquoi Arlienon n’avait rien dit. Il devait y avoir une raison.. Mais laquelle ?


- Il a ajouté que je ne devrais t’accorder mon aide que si tu revenais me voir une nouvelle fois.


Qu’avait-il en tête ? J’avais vu Arlienon de nombreuses fois depuis mon réveil et il ne m’avait parlé de rien. Lui avais-je demandé de se taire ?


- Je crois que tu devrais y aller.


J'acquiesçai. Il m’accompagna jusqu’à la porte et me regarda une dernière fois tandis que j’attrapai la bride de Fanyarë.


- Au fait. Ça te va bien.


Je lui souris en réponse et partis en direction de la taverne. L’enveloppe toujours en main, je me demandais pourquoi je ne m’en rappelais pas et ce que j’étais sensée en faire.