Camellya était de retour à la maison de confrérie des Malta a Miril. Elle venait de passer quelques jours dans la demeure familiale à regarder sa mère cuisiner en chantonnant, à fumer avec son père sous le ciel étoilé. Elle avait vu comme ses neveux et nièces avaient grandi, comment se portaient les chevaux du haras. Une véritable bouffée d’air, qui avait pourtant ravivé une certaine tristesse chez elle. Elle fit tourner distraitement le diamant autour de son doigt. La pile de courriers et missives sur le bureau la ramena à la réalité. Elle s’installa dans son fauteuil et entreprit de trier les enveloppes selon leur importance.

Le tampon d’Elanorel attira son attention et elle lut cette lettre en premier. Dans un style concis et direct, l’Elfe annonçait que tout était rentré dans l’ordre du côté de Coriolan. Elle sourit. C’était un soulagement. Elle avait bien fait de laisser ses protégées s’en charger sans s’en mêler plus. Elle compila ensuite rapports d’activité, factures, mouvements de l’ennemi. Cela lui prit quelques heures.


Cette corvée achevée, Camellya s’octroya une pause. Elle se leva pour se dégourdir les jambes et se dirigea tout naturellement vers la cheminée. Elle constata que la maison était bien entretenue en son absence. Elle repensa au nouveau bonheur de Coriolan et Yualë. Sa mélancolie se fit plus présente et elle se sentit soudainement écrasée par ses responsabilités et son chagrin. Son absence lui pesait chaque jour un peu plus, mais elle le laissait rarement paraître. Elle s’accouda à la tablette de la cheminée.


« Myra... »


« Je suis là. »


Une femme légèrement plus vieille que Camellya surgit de nulle part. Elle portait des vêtements sombres, ses cheveux châtains étaient coupés courts, une cicatrice barrait sa joue gauche. Deux dagues luisaient de part et d’autre de sa ceinture.


« Que puis-je pour vous ? », demanda Myralia, qui apporta spontanément un verre de vin à la capitaine.


« A-t-on du nouveau concernant notre affaire ? »


« Ils se dirigeraient vers la Trouée. Dame Renawen est en Enedwaith. Elle les cherche, comme vous le pensiez. »


Et comme je le fais moi-même via mon réseau d’informateurs, pensa Camellya. La Trouée... la Trouée du Rohan. Il avait juré devant elle qu’il n’y retournerait pas. Elle ne lui avait jamais demandé ce serment, il avait pris cette décision de lui-même, les souvenirs qu’il avait laissés là-bas étaient par trop douloureux. Mais elle savait bien qu’un natif du Rohan retournait toujours vers sa terre natale. Allait-elle devoir de nouveau tenter de reconstituer ce cœur brisé ? En aurait-elle la force ?


Elle but quelques gorgées de vin. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas vu ? Plusieurs mois, non, plus que ça, plus d’une année. Son regard, ses gestes, son odeurs, ses mots doux... tout lui manquait cruellement. Son dernier signe de vie remontait à quelque chose comme six mois. Une très courte missive où il lui réaffirmait tout son amour et son attachement. Il n’avait pas besoin de le lui rappeler, car elle n’en avait jamais douté. Camellya regarda son poignet gauche, dans le creux était tatouée une rune. Éternité. Elle soupira.


Myralia percevait le trouble de Camellya. Rien de ce qu’elle pourrait dire ou faire ne la soulagerait.


« Le passage vers le Rohan sera bientôt ouvert. »


« Je sais, Myra, j’ai vu les rapports. »


Elle se sentait si lasse.


« Souhaitez-vous monter une expédition ? »


Camellya hocha la tête.


« Je préviens maître Teil, dans ce cas. »


Myralia prit le silence de Camellya pour une acceptation.


« Je me retire. »


Elle fit une légère révérence et emporta le courrier à poster.


La capitaine resta seule. La nuit était déjà tombée. Qu’est-ce qui le retenait si longtemps et si loin ? Voulait-il retrouver la tombe de sa mère ? Elle s’était juré de ne pas partir à sa recherche, parce qu’elle le respectait et l’aimait trop. Mais cela faisait si longtemps qu’elle ne l’avait vu, alors elle estimait qu’elle avait le droit d’aller à sa rencontre. Si longtemps... Elle ferma les yeux. Elle passa sa main dans le bas de son dos, la rune qui y était ne réagit pas.

Camellya était soulagée en un sens, puisque le petit Elfe était sans aucun doute avec lui. D’un autre côté, Renawen souffrait elle aussi. Elle soupira. Oui, elle irait en Rohan. Oui, elle le retrouverait, tôt ou tard.


« J’arrive, mon amour, attends-moi. », murmura-t-elle à la Lune.